Les reines sont le cœur de votre ruche. Ce sont elles qui donnent vie et permettent à votre colonie de se développer. En l’absence d’une reine, la colonie meurt inévitablement dans les jours ou les semaines qui suivent. Les abeilles sont autonomes, elles peuvent généralement trouver les ressources pour remplacer la reine en quelque jour pour qu’elle reprenne le contrôle de la ruche.
Mais il est aussi possible d’accélérer ce processus pour remplacer une reine vieillissante ou produire une reine pour une autre ruche.
Dans cet article, nous faisons le point complet sur les méthodes les plus efficaces pour répondre au besoin d’élevage des reines pour les nuls.
Il existe trois méthodes performantes pour élever des reines facilement:
- Créer un essaim artificiel
- Le Greffage
- La méthode Harry Cloake
Pourquoi élever des reines ?
C’est la première question que vous pouvez vous poser.
Si les abeilles se débrouillent très bien toutes seules pour fabriquer des reines, pourquoi s’embêter à en élever ?
La réponse peut varier en fonction du type d’apiculture que vous souhaitez mettre en place chez vous. Il est certain que les adeptes d’une apiculture la plus naturelle possible n’élèvent pas de reines. Mais pour ceux et celles qui cherchent le rendement, l’élevage des reines peut s’avérer indispensable.
Bien entendu, vous n’êtes pas obligés de le faire vous-mêmes et vous pouvez vous procurer des reines fécondées en très bonne santé chez des éleveurs agréés.
En effet, une reine possède une durée de vie limitée. Attendre qu’elle meure peut s’avérer contre-productif, surtout si cela arrive en plein milieu de saison. Les abeilles sentent quand une reine ne produit pas assez et la laissent mourir d’elles-mêmes pour en produire une nouvelle, mais ce processus peut durer quelque temps. Ainsi, de nombreux apiculteurs préfèrent éviter les risques de ralentissement et vont changer de reines tous les ans pour assurer une productivité optimale.
L’élevage de reine est donc avant tout un gain de temps et un petit coup de pouce à la productivité de votre colonie.
Mais élever une reine peut aussi présenter d’autres avantages :
– Agrandir votre cheptel en créant de nouvelles ruches avec un paquet d’abeille et une nouvelle reine toute jeune.
– Compenser la perte des reines lors du vol nuptial.
– Éviter l’essaimage naturel (grâce à la bonne santé de la reine).
– Limiter la baisse de population en redonnant un peu de vigueur à la colonie.
Les différentes méthodes :
Méthode 1 : Essaim d’abeille artificiel
Voici l’une des méthodes les plus courantes et les plus faciles à mettre en place.
Elle consiste en la création d’un essaim artificiel. Il existe pour cela deux techniques en fonction de ce que vous savez sur votre reine d’origine.
Ces deux techniques sont faciles à maîtriser et peuvent être faites par un amateur. Elle nécessite également peu de matériel.
A. Créer un nouvel essaim sans savoir où est la reine
La première technique est sans doute la plus simple. Prenez deux ruchettes que vous allez nettoyer et disposez-les côte à côte. Placez un cadre gaufré à l’intérieur.
Ensuite, enfumez votre ruche mère, ouvrez-la et divisez les cadres dans les ruchettes à part égale. Il est important de bien faire attention à ce que chaque ruchette contiennent des cadres de couvain, de miel et de pollen.
L’une des deux ruchettes contient une reine, l’autre non, mais il n’est pas nécessaire de savoir laquelle. Les abeilles de la ruchette orpheline d’une mère se mettront immédiatement à l’ouvrage pour produire des cellules royales.
Videz ensuite la ruche mère en la nettoyant et éloignez les deux ruchettes d’au moins trois kilomètres pour éviter que les ouvrières ne se réunissent toutes ensemble.
Il est possible d’ajouter du sirop pour nourrir les abeilles et stimuler la ponte au début.
Quand vous aurez constaté quelle est la ruchette orpheline, vous pourrez incorporer l’autre à une ruche de plus grande taille.
La nouvelle reine peut être utilisée pour remplacer une reine vieillissante ou pour fonder une nouvelle colonie.
B. Créer un essaim en identifiant la reine
Cette deuxième technique est très similaire et tout aussi simple, voire plus ! Dans ce cas-là, on n’utilise qu’une seule ruchette dans laquelle on va disposer plusieurs cadres d’une ruche mère en s’assurant là aussi qu’il y a du couvain, du miel et du pollen. Il est important en revanche de bien identifier la reine pour ne pas l’enlever avec !
Vous pouvez ensuite rajouter du sirop dans la ruchette et l’éloigner à plus de 3 kilomètres de la ruche mère pour que les abeilles ne retrouvent pas leur chemin.
Les abeilles de la ruchette se mettront tout de suite à fabriquer des cellules royales. Il est aussi possible d’en ajouter vous-même si vous préférez.
Quelle que soit la technique utilisée, il est important de le faire à la bonne période, vers la fin du printemps, lorsque le phénomène d’essaimage naturel est en cours. Il faut donc vérifier qu’il y a suffisamment de faux-bourdons (les mâles) autour de vos ruchettes avant la naissance de la reine.
Il est aussi important de choisir une ruche mère en très bon état avec une bonne population d’abeilles et de bonnes réserves de miel et de pollen pour éviter qu’elle soit trop affectée.
Méthode 2 : Le greffage
Cette méthode n’est pas adaptée à tout le monde et elle nécessite un certain savoir-faire. Elle est réservée aux apiculteurs plus expérimentés. Elle nécessite aussi plus de matériels. Cela dit, elle reste à la portée de tous les passionnés.
Son principe permet de fabriquer plus de reines, c’est une véritable technique d’élevage. Elle consiste à prélever des larves directement dans la ruche et de les implanter avec de la gelée royale sur des cupules. Cette technique est aussi appelée « picking » du nom de l’outil utilisé pour prélever les larves.
Outillage :
- picking
- cupules et cadre à cupules-
- nourrisseur
- starter
Le greffage se réalise en plusieurs étapes :
A. Greffage et prélèvement
Une semaine environ avant l’opération, insérez un cadre de cire gaufrée dans la ruche. La reine devrait rapidement venir dessus pour pondre ses œufs.
Le jour du prélèvement, il est conseillé de mettre le cadre à cupules dans la ruche pour que les abeilles aillent dessus et déposent leur odeur. Les cupules sont généralement vaporisées de sirop pour attirer les abeilles. Cette opération permettra aux nouvelles reines d’être mieux acceptées.
Ensuite, il suffit d’enlever le nouveau cadre en brossant les abeilles.
À l’aide du picking, vous pouvez ensuite prélever chaque larve pour les placer dans les cupules correspondantes.
B. Le starter fermé
Le starter est une ruchette de 5 cadres que l’on va garder fermée pendant 24 heures pour forcer les nourrices à prendre soin des larves. On y place deux cadres de miel et de pollen.
Puis on enlève les cadres à couvains de la ruche et on brosse les nourrices à l’intérieur du starter. Il faut au moins 2 kilos d’abeilles et il faut faire très attention à ce que la reine ne soit pas parmi elle ! Elle détruirait toutes les larves.
Ensuite, on place les cadres de cupules et le bac d’eau et de nourrissement. On peut fermer le starter. Il est complètement hermétique avec une grille en dessous pour l’aération. Il est préférable de le mettre dans un endroit frais, à la cave par exemple.
Si vous constatez l’apparition d’une collerette de cire dans les 24 heures, cela signifie que les nourrices ont commencé à prendre soin des larves.
La plus dur est fait, mais il reste encore du boulot !
Alternative :
Certains éleveurs de reine préfèrent la technique du starter ouvert. C’est une ruche composée de deux niveaux avec une grille à reine entre les deux. Dans ce cas-là, la production de miel continue dans l’étage supérieur tandis que la partie inférieure est remplie avec les cadres à cupules. Cette méthode permet de produire plus de cellules royales.
C. Le finisseur
On place ensuite les cadres à cupules dans ce qu’on appelle un finisseur. C’est une ruche avec un étage peuplé par une reine séparé de l’étage supérieur par une grille à reine. Les cadres à cupules sont placés dans l’étage du dessus. Ainsi, les nourrices pourront monter prendre soin des larves sans que la reine ne vienne.
Dans le cadre supérieur, vous devez placer des pièges à reines pour les capturer dès l’éclosion. C’est une étape importante, car sinon, les reines vont s’entre-tuer.
Certains apiculteurs préfèrent prélever les reines juste au moment de l’operculation pour les placer dans une couveuse.
Comme vous l’avez compris, cette technique permet de créer plus de reine, mais elle est contraignante. Depuis quelques années, les éleveurs s’orientent plus vers des méthodes que l’on appelle « tout en un » et qui permettent de combiner le starter avec le finisseur. Nous vous en présentons deux exemples ci-dessous :
Méthode 3 : Harry Cloake
C’est un éleveur néo-zélandais qui a inventé une technique permettant de produire beaucoup de reines. Cette méthode permet généralement de fabriquer environ 20 cellules royales par semaine
C’est une technique assez simple qui reprend les principes des deux méthodes expliquées ci-dessous avec un starter-finisseur en une pièce. Il est également inutile de chercher la reine pour cette méthode, ce qui est un avantage certain pour gagner du temps.
Le principe consiste à prendre deux ruches de type Dadant avec chacune 10 cadres. Il est possible de les assembler verticalement ou horizontalement, mais il est généralement préférable de le faire horizontalement. On enlève un côté de chaque ruche et on les fixe ensuite ensemble de manière à laisser de l’espace pour pouvoir glisser une cloison et une grille à reine. Vous avez désormais une super ruche de 20 cadres dont chaque partie est séparée par une grille à reine.
Le processus de greffage se déroule ensuite en plusieurs étapes :
A. Mise en place.
La ruche numéro 1 est peuplée avec une reine (on choisit une colonie saine et importante). La ruche numéro 2 est vide. Elles sont séparées par la grille à reine et la cloison. La porte de la ruche numéro 2 est fermée, celle de la ruche numéro 1 est ouverte et les abeilles vont et viennent.
B. Peuplement de la ruche numéro 2
Prenez des cadres de couvains ouverts dans la ruche pour les disposer dans la ruche numéro deux en s’assurant qu’il n’y a pas d’abeilles dessus.
Ouvrez la porte de la ruche numéro 2, fermez celle de la ruche numéro 1 et enlevez ensuite la cloison. Les abeilles devront passer par la ruche numéro 2 et les nourrices se déplaceront naturellement pour aller dans les cadres à couvain vides.
C. Orphelinage
24 heures plus tard, enlevez les cadres à couvains en les remplaçant par un cadre de pollen, un cadre de picking et un cadre d’eau.
Fermez la porte de la ruche numéro 2, insérez la cloison de manière à ce que les nourrices soient piégées dans la ruche numéro 2 et ouvrez la porte de la ruche numéro 1.
Les nourrices entrent en panique et se mettent à produire des cellules royales.
D. Greffage
Il faut attendre entre 12 et 24 heures avant de continuer.
C’est ensuite le moment de greffer en introduisant des larves dans les cupules et en disposant le cadre à cupules dans la ruche numéro 2 que l’on gardera ensuite fermée. Il faut enduire les cupules de gelée royale. Les nourrices vont élever les larves.
E. Le finisseur
Le starter devient finisseur. Un jour plus tard, on enlève la cloison et on ferme la porte de la ruche numéro 1 tout en ouvrant celle de la ruche numéro 2. Les abeilles doivent circuler par la ruche numéro 2 et la reine reste dans la ruche numéro 1.
F. Éclosion
Pendant trois ou quatre jours, il faut laisser les abeilles tranquilles. Les cellules royales s’ouvrent.
Ensuite, disposez les pièges à reine ou prélevez les cellules operculées pour les mettre en couveuse.
Et voilà, une semaine plus tard (soit dix jours après le début de l’opération), vous avez toute une flopée de reines et vous pouvez recommencer l’opération.
Voir aussi les autres articles pour débuter en apiculture.
Conclusion
Il existe d’autres méthodes pour élever des reines, comme les méthodes d’orphelinage (Miller et Alley pour ne pas les citer toutes). Nous avons choisi ici de vous présenter les méthodes les plus courantes et les plus efficaces. D’autres innovations peuvent aussi permettre de faciliter le processus comme avec le cadre accordéon duo-nuc.
Toutefois, ce guide est largement suffisant pour produire vos reines et faire fructifier votre cheptel.
Quelle que soit la technique utilisée, il est important de toujours choisir une colonie abondante et saine. Prévoyez aussi d’effectuer ces opérations par beau temps avec des températures agréables (entre 18° et 20°) pour maximiser vos chances. Les reines n’aiment pas avoir froid ! Le printemps est le seul moment pour le faire, surtout quand les populations de faux-bourdons se développent en conséquence.
Enfin, il est essentiel de vérifier que la production de miel et de pollen est suffisante pour subvenir au besoin de toutes. Le nourrissement est indispensable pendant toute la phase d’élevage.